Tout est une question de mémoire olfactive, pas de dégustation ! 

Lorsque les gens découvrent que je suis sommelier, ils me posent souvent des questions du type : « Quel est votre vin préféré ? Connaissez-vous mon vin préféré ? Est-ce que vous l'aimez ? »  Enfin, et surtout, « Que faut-il faire pour apprendre à mieux déguster ? »

S'il est facile de répondre rapidement aux deux premières questions, celle qui concerne « comment apprendre à mieux déguster » exige qu'on lui consacre un peu plus de temps. Tellement plus, en fait, qu'à mon avis, Üllo pourrait publier toute une série d'articles sur le thème « Améliorez vos compétences de dégustation » pendant un an sans faire entièrement le tour de la question. (Astuce : n'hésitez pas à prendre un instant pour commenter ou liker cette publication, pour que l'on commence à travailler sur la prochaine publication concernant la dégustation.)

La dégustation n'est pas une science exacte, et le chemin à emprunter pour développer ses compétences en dégustation varie selon les personnes. Fort heureusement, notre biologie (en ce qui concerne l'olfaction et le goût) nous met sur la voie quant à nos perspectives d’amélioration.

La plupart des articles consacrés à la dégustation oublient de mentionner les neurosciences et s'attaquent directement au mécanisme de la dégustation. Je trouve cela fort dommage. Après tout, la question que l'on se pose ici est d'ordre chimique : quel goût mon cerveau pense-t-il qu'ont ces composés chimiques présents dans mon verre ?

La plupart des expériences sensorielles passent par le thalamus. Le thalamus est composé de cellules nerveuses qui servent de portail vers le néocortex, la partie du cerveau responsable des fonctions cognitives supérieures chez l'être humain. Outre la cognition et le raisonnement spatial, le rôle le plus important de ces fonctions supérieures est la perception sensorielle. Or, nous savons que notre odorat fonctionne d'une manière radicalement différente que la plupart des autres expériences sensorielles (le toucher, par exemple).

Lorsque nous sentons, notre cerveau ne fait pas appel au thalamus pour percevoir les arômes. En réalité, notre odorat fait partie du système limbique, le même système qui traite les émotions et la mémoire, en plus de l'odorat. Vraisemblablement, c'est la raison pour laquelle les odeurs sont capables d'évoquer des souvenirs extrêmement vifs ! En gardant à l'esprit cette connexion entre les odeurs et les souvenirs, on commence à entrapercevoir certains des éléments qui permettent de mieux déguster.

Mettons nos souvenirs au travail !

 Quel que soit votre niveau d'expertise, le fait d'apprendre et de mémoriser des arômes est une compétence fondamentale. Prenons un exemple. Vous avez probablement déjà lu des commentaires de dégustation qui ressemblaient à cela : « Un vin riche et puissant, alliant des arômes de baies noires, de myrtilles et de griottes. La finale apporte des effluves de balsamique avec des notes d'herbes, d'encens, de réglisse et des tannins ronds et lisses. » Déguster de telles notes ne relève pas de la magie, mais on y voit une pléthore de comparaisons puisées dans la mémoire du dégustateur. Et non, il n'y a pas vraiment de myrtilles ou de griottes dans le vin, même si les composés responsables de tels arômes peuvent être aussi présents dans le raisin (ou résulter de la fermentation, mais ça, c'est un tout autre chapitre).

 Si vous trouvez qu'un vin dégage des arômes de fraises, framboises et cerises, vous le savez car vous avez déjà senti ces fruits et que vous pouvez faire appel à ces souvenirs à ce moment précis. Déguster un verre de vin, c'est essentiellement le comparer à d'autres choses, que ce soient des fruits, des herbes, de la terre ou même des champignons. Qui n'apprécie pas une coupe de champagne millésimée qui dégage l'arôme distinct de nos champignons préférés, les levures !

 Fondamentalement, apprendre à mieux déguster implique que notre mémoire reconnaisse ces arômes afin que, lorsqu'ils sont présents dans un vin, nous les comprenions et puissions les apprécier. Une visite dans n'importe quel magasin d'alimentation peut être une occasion d'améliorer votre mémoire olfactive. La prochaine fois que vous êtes sur le point d'acheter ou de manger un fruit, prenez quelques instants pour le sentir. Essayez de mémoriser cette odeur. Cela peut paraître un peu étrange au début, mais si vous prenez le temps, régulièrement, de concentrer votre attention sur les arômes pour les mémoriser, vous serez probablement surpris·e de voir à quel point vous pourrez les repérer dans votre prochain verre de vin. Et, c'est grâce à de telles comparaisons que vous ferez des étincelles lors de votre prochaine séance de dégustation ! En un rien de temps, vous pourrez identifier les vins par leur cépage lors de séances à l'aveugle, en bonne voie pour devenir un·e sommelier·ère !